01 Jan

Une éducation élitiste pour une Afrique ambitieuse

Publié par Christian Liongo



ARTICLE - Depuis le début de ce siècle, l’Afrique est de plus en plus considérée comme un continent de progrès. Cependant, dans la compétition planétaire où la confrontation entre les nations est féroce, gérer la connaissance est une condition indispensable à la bonne santé d’une économie. Ceci suppose un système éducatif de qualité.

Définir la richesse d’une nation

Au XVIIIème siècle, l’économiste écossais Adam Smith publie La Richesse des Nations , une œuvre majeure de la pensée économique. Il définit la richesse des nations comme l’ensemble des biens qui agrémentent la vie des gens dans une société. Il peut s’agir d’équipements divers, d’infrastructures, de produits de la terre, du sous-sol, de la mer …. Leur abondance détermine la richesse d’un pays.

 

Cependant, la richesse des nations ne pourrait être résumée aux seuls biens tangibles comme le concevait Adam Smith. Un certain nombre de pays actuellement - à l’instar de la Corée du Sud, du Japon, de la Finlande, de Taiwan, de Singapour, ….. - font partie des nations les plus riches du monde non pas tellement par leurs richesses tangibles mais, surtout, de par leur capacité à concevoir, créer, promouvoir des idées et à les transformer en biens tangibles. Il s’agit de pays qui misent sur l’économie du savoir et donc sur le capital intangible.

 

Ce capital intangible qu’Adam Smith a négligé dans sa théorie il y a près de 250 ans, consiste en des biens non matériels - tels que la santé, les loisirs, la culture, l’art ou encore un système éducatif de qualité - qui concourent également au bonheur d’une nation.

 

De l’importance d’un système éducatif ambitieux

Ces pays, dépourvus de matières premières abondantes, ont délibérément basé leur prospérité sur le capital intangible, en particulier un système d’éducation de première catégorie.

 

Le programme PISA de l’OCDE , « Program for international student assessment » , qui vise à évaluer le niveau de connaissance en mathématiques, sciences et langue maternelle des étudiants adolescents de près de 60 pays classe systématiquement ces cinq pays dans le top 10 mondial.

 

L’Afrique face au défi de l’éducation

Depuis près de 10 ans l’Afrique est le continent qui connaît le taux de croissance le plus important avec une moyenne de 5% sur base annuelle. Cependant, une part importante de cette croissance est « tirée » de l’exploitation des matières premières telles que le bois (Gabon), le cuivre (Rép. Démocratique du Congo), le pétrole (Guinée équatoriale), …. Ces matières premières sont dans la majorité des cas exportées en leur état brut ou quasi brut pour être à la suite réimportées en produits finis. Ce mécanisme explique bien entendu les déséquilibres constatés dans le commerce mondial en défaveur systématique des pays africains qui ne maîtrisent pas les technologies dites avancées.

 

Ces dernières requièrent des personnels scientifiques de haut niveau capables de concevoir des produits et technologies avancés. L’Afrique doit se doter au plus vite de ce type de personnels en adaptant ses systèmes éducatifs.

 

Je prône la création dans un pays donné d’écoles publiques de référence aux niveaux primaire et secondaire. Ces écoles d’élite, disséminées dans l’ensemble du pays et dont le nombre dépendrait des moyens budgétaires disponibles, auraient vocation à accueillir les meilleurs pupilles du pays sur base d’une sélection rigoureuse, sans oublier la nécessité d’assurer une mixité sociale réelle indispensable à l’adhésion nationale. L’enseignement doit y être totalement gratuit avec une prise en charge étendue comprenant des possibilités d’internat également.

 

L’enseignement doit bien entendu inclure les fondamentaux tels que la maîtrise des langues occidentales et autochtones, le calcul et l’expression orale. Toutefois, il me paraît crucial que cet enseignement ait comme pilier culturel l’afro-centrisme. L’éducation moderne africaine doit absolument mettre en évidence la contribution culturelle, technologique et civilisationnelle de l’Afrique dans le monde d’hier et d’aujourd’hui. Car des pharaons d’Egypte aux royaumes Kongo, Songhaï, Zulu, du Ghana ou du Mali, l’Homme africain est bel et bien entré dans l’Histoire. Il convient de le dire aux enfants africains et de leur en faire prendre conscience.

 

Un cadre global de prospérité

Bien entendu créer une élite intellectuelle par le biais de ces écoles de référence ne suffit à pas à développer une économie de la connaissance à même de favoriser l’apparition d’une économie du XXIème siècle. Cette dernière nécessite la mise en œuvre d’un cadre global comme un bon terreau.

 

En effet, l’effort d’éducation doit continuer dans le supérieur. A cet égard, si le pays ne dispose pas d’un réseau d’universités de niveau international - c’est le cas de la plupart de pays africains à l’exception notable de pays comme l’Afrique du Sud, le Maroc ou l’Egypte -, il peut être utile d’instaurer un système de bourses permettant aux meilleurs élèves issus de ces écoles de référence de poursuivre leurs cursus dans les meilleures universités aux Etats-Unis, France, Norvège, Japon, Afrique du Sud, Australie, … Bien entendu, ces étudiants doivent être envoyés à l’étranger afin d’y suivre des cours utiles à une économie de la connaissance : mathématiques, sciences, génie, mais aussi les humanities chers aux Britanniques.

 

Afin de s’assurer du retour de ces fils prodigues, la sécurité d’un emploi bien rémunéré doit leur être garantie. Ce qui sous-entend la création ou l’appropriation par l’Etat d’entreprises de grande dimension dans divers secteurs-clé - énergie, télécommunications, construction, transport, culture, informatique -, à même d’absorber les étudiants rentrés au pays et de devenir à terme des champions dans la compétition internationale au même titre que les chaebols coréens que nous connaissons aujourd’hui sous diverses dénominations sociales : Hyundai, Samsung, LG, …

 

En conclusion, alors que l’Afrique entre de plus en plus dans le système international très compétitif des relations commerciales, il lui appartient de baser sa prospérité de demain non pas sur les seuls échanges déséquilibrés de matières premières. Elle doit être en capacité de proposer à l’exportation des produits à forte valeur ajoutée en se fondant sur une éducation élitiste - budgétairement faisable car élitiste - produisant des personnels hautement qualifiés. C’est ce défi que l’Afrique doit relever au plus vite pour assurer le bonheur relatif de ses peuples.

 

Archives